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Perspectives nouveau Monde

Un nouvel ordre mondial à notre portée?

Bruno-Marie Béchard, ingénieur, professeur et recteur

En janvier 2007, je m'adressais en ces mots à la communauté universitaire : «Jusqu'à maintenant, la société mesure l'influence des pays émergents comme la Chine et l'Inde en termes de concurrence économique et de pertes d'emplois. Or ces deux pays, qui compteront bientôt le tiers de la population mondiale à eux seuls, vont également amener l'éclosion d'un nouvel ordre mondial qui entraînera aussi de profonds bouleversements sur les plans culturel, religieux, social et... universitaire! Nous assistons en effet à la naissance de milliers d'universités qui vont bientôt chambarder le monde, étant issues de pays avec des systèmes de valeurs radicalement différents des nôtres. Le nombre croissant d'universitaires et le rythme d'avancement des connaissances seront également multipliés. Ainsi les universités, et particulièrement la nôtre, peuvent et doivent influencer le nouvel ordre mondial, et éclairer la société dans un courant d'idées et de valeurs nouvelles.»

Quelques jours plus tard, le journal La Presse reprenait mon propos dans Des oh! et des bah! La chronique ironique qui voit et entend tout à sa façon, mettant en doute le réalisme de mon propos jugé ambitieux selon lequel «L'Université de Sherbrooke doit influencer le nouvel ordre mondial». Bon, j'avoue, la barre est haute. Mais est-ce réellement hors de notre portée?

La formation reçue, les personnes côtoyées et l'expérience vécue sur le Campus principal de Sherbrooke inspirent-elles aujourd'hui le nouveau premier ministre de la République de Chine, Liu Chao-Shiuan, qui est diplômé de l'UdeS en sciences? Les premiers ministres du Québec, Pierre-Marc Johnson et Jean Charest, respectivement diplômés de l'UdeS en médecine et en droit, auront-ils eu quelque influence sur notre reconnaissance et sur notre positionnement dans le monde?

Les systèmes d'éducation du Brésil, de la Guinée, de la Bolivie et d'Haïti, actuellement en pleine reconstruction, seront-ils influencés par les nombreux diplômés en éducation de nosrécentes collations des grades tenues à Feira de Santana, à Conakry, à La Paz et à Cap-Haïtien? L'essor économique du Maroc sera-t-il conditionné par les centaines de MBA décernés par l'UdeS dans ce pays depuis près de 15 ans, ainsi que par d'illustres leaders comme Moulay Hafid Elalamy, diplômé de notre faculté des sciences, qui préside l'importante Confédération générale des entreprises du Maroc? Notre IRECUS, qui pilote un réseau de 22 universités dans 15 pays d'Amérique latine, aura-t-il un impact fondamental en dotant tout un continent d'entreprises coopératives?

Le fait que des géants du monde des affaires comme Laurent Beaudoin et Henri-Paul Rousseau soient diplômés de l'UdeS, et le fait que nous ayons lancé les premières formations de MBA en français au monde ont-ils ouvert la voie à une nouvelle maîtrise des affaires dans la francophonie? Ayant été la première au Canada à offrir des programmes de formation en environnement, il y a une quarantaine d'années, l'Université de Sherbrooke a-t-elle contribué au système de valeurs qui prévaut maintenant dans les nouvelles générations? Il y a fort à parier que la réponse à toutes ces questions est oui...

Que dire aussi des effets sur la société de nos recherches de pointe? Le National Post a récemment reconnu l'UdeS comme l'université francophone canadienne qui a eu le plus grand impact dans le monde par les publications scientifiques de ses professeurs... Que dire aussi de notre leadership mondial en matière de compression de la parole? A-t-il contribué à l'extraordinaire expansion de la téléphonie mobile et du multimédia informatique qui décloisonnent des pans entiers de la planète? Le lancement prochain, par l'UdeS, du tout premier véritable dictionnaire du français usuel en Amérique et son utilisation dans les logiciels informatiques contribueront-ils à faire officiellement et une fois pour toutes reconnaître notre culture distincte?

Que dire enfin de l'impact qu'auront certaines de nos percées sociales, comme l'instauration du libre accès au transport en commun et la nouvelle Coop santé de l'Université de Sherbrooke?

Une personne à elle seule peut changer le cours des choses à très grande échelle, que ce soit de façon positive ou négative. Un seul Adolf Hitler, une seule Marie Curie, un seul Mohandas Karamchand Gandhi...

Il n'y a donc aucun doute à mon esprit que l'université de langue française la mieux cotée au Canada, l'Université de Sherbrooke, avec ses 110 000 diplômés actifs dans plus de 100 pays sur tous les continents, peut réellement influencer le nouvel ordre mondial. Je crois même que c'est déjà fort bien amorcé...